Haïkus de février

Mes haïkus (presque) hebdomadaires… Comme d’habitude, tous les textes sont Tous droits réservés © Julie Turconi (utilisation ou reproduction interdite sans l’autorisation de l’autrice). Merci!

La fin du mois de février approche et, avec elle, s’en vient un souffle de printemps. Une promesse, encore bien ténue mais qui se fait sentir dans la douceur de certains matins. À cette période, même la neige hésite sur sa nature profonde et tient à nous rappeler que, par essence, elle n’est qu’une forme d’eau. Insensiblement, tout en nous renaît. Des envies de sortir en coton ouaté (Ah! qu’on es-tu donc ben dans son coton ouaté!) et de prendre le soleil nous saisissent sans crier gare. Mais il est encore trop tôt, et seuls les inconscients ou les rêveurs impénitents pourraient s’y laisser prendre!

un air de printemps
trop froid pour lire dehors
malgré le soleil

soleil de printemps
je m’enfarge dans la neige
jusqu’aux genoux

douceur de l’air
les crocus dorment encore
loin sous la neige

Tout le monde profite de la présence radieuse du soleil, de plus en plus présent, pour aller marcher. Mais marcher sans, souvent, rien voir alentours. Marcher seul, le nez sur son téléphone. Marcher avec des amis ou des collègues, et parler, parler, parler. Marcher avec des écouteurs dans les oreilles, les yeux dans le vague. Marcher avec des enfants, les surveiller, les reprendre, les tirer dans un traîneau, les rhabiller… Marcher bruyamment et me gâcher « mon » silence.

poc poc du pic bois
dans le boisé envahi
de familles criardes

pause café
dans la cour de récréation
les cris des enfants

Heureusement, le ciel se voile d’un gris annonciateur de neige. L’humidité se fait sentir jusqu’au creux des os. J’espère la noirceur et le froid de la nuit, au cœur de laquelle la neige pourra affirmer sa nature cristalline sans plus se soucier de la promesse séductrice d’un printemps encore lointain. Peu à peu, le décor se transforme sous mes yeux. Émerveillement sans cesse renouvelé devant la grâce qui touche, un bref instant, notre monde.

nuit paisible
un manteau de diamants
recouvre la ville

traces de pattes
sur la neige fraîche
une ombre passe

La rue s’est recouverte d’un épais tapis blanc et la neige raconte une histoire. Celle de tous ceux qui la foulent, qui la frôlent, qui l’abîment ou la subliment. La nuit est calme, mais des ombres furtives passent, pattes de velours sur tapis de diamants… La nuit, tous les chats sont gris, mais mon vieux matou n’a plus le goût des explorations nocturnes frileuses!

un couvert épais
sur les toits bordés de blanc
le chat sous la couette

fin de bordée
enveloppée de blanc
la ville dort

La ville dort, oui, mais par instants, la neige joue, la neige tourbillonne sous les caresses du vent, créant des êtres singuliers et éphémères, personnages difformes et ondoyants qui iront bientôt peupler mes rêves pour poursuivre leur étrange sabbat…

neige légère
un fantôme danse
dans le vent

fondu au blanc
emmitouflée de silence
la ville s’efface

Le lendemain, tout scintille. Beauté froide, ô combien enchanteresse!, qui ne demande qu’à être admirée.

richesse éphémère
je cueille des diamants
à pleines mains

parc déserté
les oiseaux se bousculent
aux mangeoires

La journée est glaciale et tranquille. La forêt dort sous la neige, et pourtant, je sais bien qu’elle grouille aussi de vie. Une vie au ralenti, une vie cachée, protégée, mais une vie bien présente, qui n’attend que l’arrivée du printemps charmeur et sémillant pour se réveiller. Je marche doucement, sans faire de bruit, pour ne pas déranger tous ces êtres en dormance, en songeant, brièvement, que j’aimerais parfois faire comme eux… Mais cette pensée s’évapore aussitôt née, car l’hiver est une saison à la beauté froide, un peu hautaine mais si belle, qu’il serait bien dommage de manquer. Et je peux d’autant plus en profiter que je retrouve ensuite la chaleur douillette mon foyer!

forêt enneigée
bien des vies endormies
sous l’écorce

froid mordant
un écureuil se faufile
au cœur de l’arbre

Et moi, je rentre me mettre au chaud.
Bientôt, j’allumerai le poêle à bois… et l’ordinateur. Car si, autrefois, on s’encabanait pour passer l’hiver chacun dans sa bulle, isolés des autres par obligation (et plusieurs pieds de neige!), la situation ne nous laisse guère le choix aujourd’hui. Heureusement, un autre monde s’ouvre à nous, grouillant, vibrant, addictif aussi. Un peu comme le monde des livres et de l’imaginaire, finalement. Il ne tient qu’à nous de naviguer sur cet océan de possibilités sans perdre le nord, les yeux sur les étoiles pour nous guider. Alors seulement la magie pourra, peut-être, opérer.

contes au coin du feu
le réel et le virtuel
entrent en collision



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