Haïkus de vacances

Mes haïkus de vacances et, comme d’habitude, tous les textes sont Tous droits réservés © Julie Turconi (utilisation ou reproduction interdite sans l’autorisation de l’autrice). Merci!

Le mois d’août, c’est à la fois un mois de vacances et d’anniversaire (le mien!), mais aussi un précurseur de la rentrée à venir et de l’automne bientôt à nos portes… Un mois étrange, un peu chaotique, où les Perséides illuminent le ciel nocturne, véritable usine à vœux. Un mois qui oscille entre chaleur, canicule et fraîcheur nocturne. Où, dans certaines régions, les feuilles commencent déjà à changer de couleur. Cette année, comme beaucoup, j’ai eu envie de sortir de la ville, de m’éloigner du quotidien pour un instant, une respiration. Un souffle. La Gaspésie nous a accueillis, moi et l’Autre, dans ses paysages grandioses. J’ai avalé sa beauté à grandes goulées assoiffées.

le vent salé
m’appelle vers le large
la marée monte

ligne d’horizon
la laisse de mer ondule
le long des rochers

cri des mouettes
le barachois exhale
son foin d’odeur

Le fleuve devient mer, la marée apporte l’odeur du goémon, les mouettes et autres goélands crient, les Fous de Bassan passent en formation dans le ciel bleu qui se confond avec l’horizon, les mélèzes exhalent leur douce odeur sapinée et résineuse… et je marche, je m’emplis de toute cette beauté, cette liberté, cette présence. Ici, le bout du monde s’appelle Gespeg, « là où finit la terre ».

au bout du monde
là où la terre finit
mon souffle court

huement du héron
une grande ombre plane
sur l’eau dormante

Et la nuit tombe doucement, après un flamboiement de couleurs sur les flaques laissées par la marée basse et l’eau des marais, un peu plus loin sur la côte. Sur l’eau de mes yeux émus, aussi. Au fond de mon cœur naît un pétillement de joie et d’immensité.

terre et mer
se fondent dans la noirceur
au loin, un phare

reflets du couchant
sur le marais immobile
la lune se lève

perséides
un avant-goût d’automne
dans l’air nocturne

Puis un nouveau jour commence, de nouvelles découvertes, entre mer et montagnes, eau, air, terre et feu (le soleil tape dur). On ouvre grand les yeux et on sort des sentiers battus pour rencontrer le moins de gens possible. La nature me rend asociale, encore plus que d’ordinaire. Ici et maintenant, j’ai envie de silence, de craquements, de solitude, d’éphémères rencontres animales et végétales. Mais parfois, il est impossible de s’écarter de la 132, cette route des voyageurs et des vacanciers, ce chemin de bitume qui nous emmène dans un grand tour de magie. Les pauses sont alors bienvenues. Lâcher le volant, profiter des rochers, du vent, de la mer…

soleil de midi
je rétracte mes orteils
sous l’assaut des vagues

séance photo
au bout de la jetée
la mouette ricane

jeu de ricochet
une tête grise
sort soudain de l’eau

Un phoque nous observe de loin, moqueur. Je parie qu’il en a vu, lui, des touristes se prendre en photo sur le même fond bleu, dos à toute cette immensité qui lui appartient tout autant qu’il en est partie intégrante et vitale… Du haut du cap, une colonie de cormorans indifférents nous ignore, le regard tourné vers la mer et ses promesses.

un cormoran veille
sur le cap rocailleux
le bleu de ses yeux

Il est temps pour nous de repartir, le cœur émerveillé, l’esprit ressourcé, le corps fatigué. Une dernière nuit, et il faudra rentrer. Le matou nous attend.

la nuit s’emplit
du chant des grillons
fin des vacances

un vent chaud souffle
sur les grandes battures
la route nous attend

l’été s’achève
quelques gouttes de pluie
sur la terre assoiffée

Pour un temps, nos âmes sont rassasiées. Cela ne durera pas, mais il faudra bien s’en contenter. Jusqu’au prochain voyage, la prochaine sortie en nature, loin des bruits de la ville et de sa foule bien trop peu sentimentale.
Au loin, une portière claque.



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