Elle s'appelait Peggy. Elle était ma meilleure amie. Nous avions quinze ans. Elle est morte d'un cancer du foie, fauchée à la fleur de l'âge par une maladie longue, injuste et cruelle alors qu'elle avait encore l'insouciance de la jeunesse et toute la vie devant elle. 
Je ne l'ai jamais oubliée. Mon ange gardien.

Nous nous sommes rencontrées le jour de la rentrée des classes. Nous étions toutes les deux des nouvelles, arrivant de régions différentes et débarquant dans ce sud-ouest chaleureux et ensoleillé. Alors bien sûr nous nous sommes retrouvées toutes les deux à l'écart des retrouvailles turbulentes de la fin des vacances des autres élèves. Comme cela arrive souvent dans ce cas-là, nous nous sommes parlées. Les deux " exclues ", en période probatoire pendant quelques jours, histoire que les autres puissent nous évaluer. Les adolescents sont un peu durs entre eux parfois. 
Elle était brune autant que moi je suis blonde, à peu près de ma taille, avec un visage sérieux et concentré qui la vieillissait et qui cachait son sens de l'humour acéré. Elle était vive, spontanée, impulsive, " grande gueule ". On se ressemblait beaucoup, malgré les apparences. Très vite nous sommes devenues inséparables. Complémentaires, supplémentaires. On se racontait tout : nos rêves, nos envies, nos humeurs, nos coups de cœur et nos galères d'ados… Tout cela ne nous a pas empêché de nous intégrer dans notre nouvel environnement, de nous ouvrir aux autres et de devenir des filles sympas. Simplement la priorité, c'était nous. Toujours par deux, toujours ensemble.

Et puis un jour, une banale sinusite qui dure, des examens qui soulèvent d'autres choses bizarres, et le verdict qui tombe, abrupt : tumeur cancéreuse au foie.
À quinze ans on ne réalise pas vraiment ce que ça veut dire, parce qu'on se croit presque immortel. Alors comment réagir quand l'inéluctable vous tombe dessus comme ça, sans prévenir ?