Écrit après avoir visionné le film "Les heures", tiré du livre du même nom...
Sentiments étranges, diffus mais persistants...

 

Il fait lourd. Chaud, humide, moite. Les senteurs s'exhalent dans l'air immobile. Odeurs de la terre en attente, ouverte, offerte, tous ses pores écartés, fissurée. Odeurs de l'orage à venir, de la promesse de l'eau régénératrice, gouttes d'argent. Odeur d'herbe coupée. Senteurs légères, volatiles, douces, fortes, insistantes. 
L'air embaume. L'air déjà lourd se charge de parfums qui l'écrasent. 

Les heures. Les heures qui passent. Inexorablement. Malgré la chaleur, j'ai froid. Partout dans mon corps, mais surtout dans mes mains. Celles qui écrivent. Parfois je ressens une terrible tristesse. Inexplicable. Une sorte de langueur qui me plonge dans un état étrange. Comme si je devais me sentir coupable quelque part de la souffrance et de la douleur des autres. Empathie. Je ne suis pas capable d'assumer cela. C'est trop dur, trop lourd. 

Au fond de moi l'envie de vivre, d'être heureuse, se cache, joue au chat et à la souris avec ma déprime. Je peux comprendre ce que serait la dépression alors. Je n'en suis peut-être pas si loin, dans ces moments-là. Des larmes me viennent, embuent ma vision, comme une mer dans l'étendue de mes yeux. 

Ne plus penser à cet indéfinissable rien qui suffit à me plonger dans l'abîme. Ce n'est pas moi. Pourtant c'est parfois difficile d'être moi. Juste moi, celle qui est enfouie dans mon cœur, dans mes tripes, dans mes actes fous. Celle qui vit, qui ressent, qui vibre. Elle part de temps à autre. Pourvu qu'elle ne disparaisse jamais. Je ne pourrais pas continuer sans elle. 
Pleurer un bon coup. Il paraît que ça aide à évacuer le trop-plein d'émotions, celles qu'on n'expriment pas. Je veux bien essayer. Mais la fatigue exacerbe la moindre sensation. Les nerfs à fleur de peau. Prêts à exploser en un torrent inarrêtable. Le grand nettoyage ?

Dans ces moments-là, je suis tellement seule. Parce que je ne sais pas exprimer ces sentiments flous qui s'abattent sur moi. Puis qui s'en vont, quelque part, attendant leur heure. Je ne peux pas partager cela. C'est trop compliqué. L'émotion est trop forte pour que les mots sortent indemnes de ma bouche, de mon esprit. J'ai peur de perdre le contrôle. J'ai peur de me perdre. Ou de me trouver, mais au prix de sacrifices que je ne suis pas prête à faire. Pas encore. Un jour, peut-être. 

Alors j'écris. Pour chasser ma déprime, lutter contre mes démons. Combattre mes insomnies. La folie doit ressembler à cela. Une lutte incessante contre soi-même. Essayer de se glisser dans sa propre peau. Bâtir des murailles. Une prison pour se retenir. 
Comment laisser entrer quelqu'un ?

Épuisement physique, épuisement nerveux. Se laisser aller. Au risque de perdre le contrôle ? Je ne peux pas. Je ne sais même pas de quoi j'ai besoin, ce que je désire. Compatibilité aléatoire. S'obliger à dormir, céder à son corps contre son esprit. 
Les heures passent. Quoi qu'il arrive. Quoi qu'il nous arrive. Le jour, la nuit. La nuit, le jour. Succession interminable de luttes contre soi-même. A chaque instant. Ne jamais baisser sa garde, relâcher sa surveillance. Ou je me perds. 

Montréal, octobre 2003

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