Je ne m'en sors pas. Je n'en peux plus. J'en ai marre d'écouter tes mensonges, tes belles promesses. Toujours les mêmes sempiternels refrains, que je connais par cœur, peut-être même mieux que toi. Tu es si prévisible dans tes mots, maintenant. Dans tes mots et dans tes actes. Mais c'est un cercle vicieux que je n'arrive pas à rompre. Comment en sommes-nous arrivés là ? Tous mes espoirs se perdent dans ce néant sans fin qu'est l'ignorance, l'incompréhension.
Je ne suis pas incassable. Je marche seule dans les rues, j'aimerais que tu t'en ailles, tu me voles ma vie et pourtant je ne peux pas te quitter. Tu enfonces le couteau plus loin chaque jour, tu respires mon air, tu m'envahis avec tes mensonges récurrents. Je ne te crois plus. Mes ailes se sont brisées, je suis perdue.
Et pourtant, malgré tout, malgré la logique, le bon sens, l'éducation, tout, malgré tout, je t'aime.
Je t'aime en bleus, en larmes et en patience, mais je t'aime. Je ne peux pas me cacher ni m'enfuir. Et j'ai peur. De plus en plus à chaque jour qui passe. Peur que ça n'aille trop loin, que tu dérapes et que je ne puisse plus rien pour toi.
Peur que les autres ne voient les coups et les éraflures. Mon corps est parsemé de traces de toi, de ton amour. Pour que je ne t'oublie pas, me dis-tu. Que je n'oublie pas que sans toi je ne serais rien. Une paumée, inutile. Mais grâce à toi tout change.
Et sans moi, que serais-tu ?
...
Parfois je me surprends à rêver d'une vie comme celle de tous les autres. Ceux que je croise dans la rue, ceux qui ne me regardent même pas, tellement je suis insignifiante, transparente. Invisible. Ces femmes sûres d'elles, qui sourient, qui découvrent leur peau vierge de tout amour. Des peaux fines, délicates. La mienne s'est endurcie au fil du temps. Je ne peux plus porter de vêtements trop courts. De toute façon tu me tuerais. Par jalousie. Cette jalousie que j'associais à ton amour trop grand pour que tu puisses le contrôler. Tu m'as inculqué des réflexes de crainte, et non de respect comme tu le prétends. Ne jamais regarder les hommes en face. Ne jamais répondre, insolente.
Mais tout a changé et tu n'y peux plus rien. Moi non plus d'ailleurs. Je suis perdue. Incapable de penser, de décider. Et pourtant il le faut. Je n'ai plus le choix. Tu vas trop loin, trop fort. L'alcool a pris le dessus sur tout le reste. Avant, tu disais que tes coups étaient le reflet de ton amour pour moi, maintenant je sais qu'ils sont celui de ta dépendance à ce liquide ambré et chaud qui te possède. J'ai l'impression de me voir dans tes gestes, dans ta soumission totale à cette entité sans visage. Et je commence à comprendre. La folie de mes choix, le vide froid de ton cœur. La bouteille est désormais la seule chose qui compte dans ta vie. Pas dans la mienne.
...
Mais tu n'as plus le droit de me punir. Car cet être que nous avons créé, que tu as créé, n'a que moi pour le défendre. Je cherche, éperdue. Désespérée. Ne suis-je vraiment qu'une incapable ?
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