La petite fille


Elle piétine, agacée.
Sa mère la tient par la main, empêchant toute évasion.
Elle rêve de liberté, de pieds mouillés dans des bottes trop grandes, d’herbe croquante et de cailloux brillants. Le parc l’invite.
Le bus efface son désir. Soupir.
Une mouche sur la vitre attire bientôt toute son attention. Elle danse sur un écran sale de ville floue. De ses doigts la fillette invente une chorégraphie de buée pour accompagner l’acrobate, ce qui lui vaut un regard réprobateur insistant de sa mère.
Maintenant, elle boude. Bras croisés, visage fermé, lèvres serrés. C’est décidé, cette fois, c’en est trop. Elle ne veut plus parler. Grommellements.
Le bus ralentit, s’arrête en soufflant.
La fillette est bien obligée de décroiser les bras pour prendre son sac. Elle trottine derrière sa mère, les yeux soudain redevenus vifs. La ville bruisse de vie. Elle sautille d’une fissure du trottoir à une autre, marelle improvisée. Là, une branchette déchue l’appelle, elle la glisse au fond de sa poche, trésor inestimable. Elle s’attarde dans la cour. Traîne, fouine, remue. Traces noires sur sa robe, cheveux emmêlés, la vie est de nouveau belle.
Au bout d’un moment, fatiguée, elle rentre. Sa mère s’affaire dans la cuisine. Bruits familiers, entrechocs de métal, percussions quotidiennes porteuses d’envies.
L’odeur sucrée d’un chocolat chaud avive l’étincelle de ses yeux.
Sourire.

© Julie Turconi
Montréal, 17 septembre 2011

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