NB: le fond d'écran est une toile d'Isabelle Lachance - (514) 529 0210

 

Il était nu, allongé sur le lit. Inconscient de ma présence ou de mon regard sur son corps. La lumière donnait un relief bleuté à sa nudité, presque irréel. Le lit était défait, les rideaux ouverts, et il dormait. Profondément. Étendu sur le ventre, ses fesses rondes et son dos musclé laissés à la vue de mon admiration éperdue. Longtemps je restais là, immobile, retenant mon souffle, à le regarder se reposer. 

Je l'aimais. Totalement, irrévocablement. Depuis le premier regard. Je l'avais croisé pour la première fois lors du déménagement d'une amie. Elle habitait à l'époque de l'autre côté de la ruelle, un peu plus bas. Puis elle en avait eu marre de la ville, et elle avait acheté une petite maison à la campagne. Ce jour-là, le jour de son déménagement, j'étais passé aider un peu, et récupérer un meuble pour mon chez moi. Et je l'avais vu, lui. Un beau gars bien fait qui partait avec la fille de mon amie. Je m'étais demandé s'il était à elle. S'il pourrait devenir mien. Tout dépendait du prix à payer. Je ne pouvais pas me permettre toutes les folies et je le savais. Mais il s'était avéré que tout était possible. J'avais discuté avec la fille de mon amie, histoire d'avoir quelques renseignements complémentaires avant de me lancer là-dedans. Et on avait trouvé un accord. 
Il serait ma folie d'anniversaire. Mon coup de cœur déraisonnable. J'avais bien le droit de ma gâter un peu… surtout que cela m'arrivait rarement. 
Après tout je le méritais. 

Elle me l'avait amené, un soir, après que je lui ai téléphoné pour savoir quand je pourrais le voir. Et elle était repartie, nous laissant seuls. Un peu gênés. Silencieux. Je l'avais amené dans la chambre, étendu sur le lit, au milieu des draps bleus froissés et des vêtements qui traînaient. Et je l'avais laissé là un moment. Seul. J'étais retournée dans la cuisine finir le repas que je mitonnais pour nous. Une fois que tout a été mis en route, je me suis essuyé soigneusement les mains et je suis allée le voir. Il dormait. Nu.

Depuis ce jour, il est resté chez nous. Je passe de longs moments à le regarder, étendu nu sur son lit. Totalement offert. Confiant. Toujours sur le ventre, une jambe légèrement repliée, le bras gauche tendu sur le côté, vers la couverture rouge sombre assortie aux rideaux éternellement ouverts de sa chambre. Son corps comme abandonné à mes regards concupiscents, sans même un bout de drap pour le couvrir. 
Je l'aime. Il illumine mon univers. 

Mon ami ne l'apprécie guère, je dois bien le reconnaître. Jalousie ? Je ne pense pas. Simple incompatibilité des couleurs et des formes. Pourtant il a accepté qu'il soit dans le salon, à la vue de tous, en place d'honneur, la lumière de la grande baie vitrée l'éclairant en plein, faisant ressortir les reflets bleus sur son corps nu. 
Mon œuvre d'art. Ma toile. 


Montréal
Le 08 août 2003

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