Paru dans la revue franco-ontarienne Virages,
numéro 28 de septembre 2004

NB : Illustration de fond - Tous droits réservés © Julie Turconi 2008

 

Tout a commencé de manière anodine. Insidieuse. Pourtant elle aurait dû se méfier, voir les signes. Mais non, rien. Juste quelque étonnement, parfois, à certaines réactions. Ou manque de réaction. Et c’était tout. Tout le problème était là justement, car comme toujours en pareil cas personne ne voyait rien. Car personne ne la voit plus. Elle a beau hurler, tempêter, câliner, danser, personne ne la remarque. Elle est devenue transparente. Comme une image ancienne qui pâlit sous l’effet du temps qui passe, et s’efface doucement. Il lui est arrivé la même chose. Sans bruit, sans déranger personne, elle a disparu aux yeux et à la mémoire des autres. 

Quand elle y réfléchit, les premiers signes ont été ceux laissés par son conjoint. Il rentrait de sa journée de travail, et de moins en moins souvent l’embrassait en lui racontant ses histoires de bureau. Il la regardait parfois d’un air absent, comme si elle n’avait pas plus de corps qu’un fantôme ou un souvenir. Un jour, elle se souvient être tombée malade, elle a dû rester enfermée quelque temps à la maison. Seule. Le soir, un peu déprimée, frustrée, elle avait envie de se blottir tout contre lui, ou plutôt qu’il la prenne dans ses bras, qu’il l’enveloppe de sa chaleur et de sa présence. Mais il l’ignorait. Il vaquait à ses occupations, un peu tristement. Elle avait beau lui parler, il ne répondait quasiment plus. Elle en avait été très malheureuse.

Et puis l’attitude des autres avait changé, elle aussi. 

...

Montréal,
Le 9 avril 2004

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