Toute ressemblance avec des personnes existantes serait... bla bla bla... OK ?
Ce n'est qu'un texte, pas un règlement de compte ou une thérapie...

&  numéro 0 de la revue électronique mensuelle L'@lternative,16 janvier 2006.
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Il était parti. Enfin ! La sérénité allait pouvoir revenir tout doucement dans la maison. Elle aimait ces instants de calme après la tempête, quand tout se taisait et qu'elle pouvait se relaxer en écoutant les bruits légers du matin. Parce qu'il avait ce qu'on appelle "une présence". Et ce qui n'était pas ou peu dérangeant pour ses connaissances l'était beaucoup plus au quotidien pour ses intimes. En l'occurrence, elle. Et elle seule. La seule à avoir eu la persévérance de le supporter ? Peut-être. Tout le monde s'accordait pour dire qu'elle était un ange de patience. Mais l'ange se brûlait les ailes depuis trop longtemps. Elle supportait de moins en moins les tornades qui caractérisaient sa présence ou son passage. 

(...)

Oh, elle l'aimait, son homme ! En tout cas elle l'avait aimé. A la folie. Sans que personne ne comprenne comment deux personnes aussi différentes pouvaient se plaire et se mettre ensemble. Elle, l'originale excentrique, instable et baroque, et lui, l'homme de principes rigide et très "zen dépouillé". Et pourtant…

(...)

Elle sourit. Si elle continuait comme ça, la liste n'aurait pas de fin. Elle était toujours là parce qu'il était là. Point barre. Cette relation était à la fois la plus belle et la pire des choses qui lui étaient arrivées dans sa vie. Car elle avait eu des larmes amères bien souvent. Pour des paroles inconsidérées, des attitudes indifférentes voire humiliantes en public. 

(...)

Ils se retrouvaient alors tous les deux, et elle retombait invariablement amoureuse de l'homme qu'il était en profondeur, quand personne n'était là pour le juger, le jauger. Elle pensait avoir compris une partie de sa personnalité terrible : il avait tant besoin du regard des autres, son manque de confiance en lui-même provoquant des réactions violentes de défense par l'attaque et la démesure. Il était en permanence anxieux, jamais satisfait de sa vie, même quand tout allait bien. Il lui fallait toujours plus. Et son vieux fantasme de romantique torturé du XVIIIe siècle le poursuivait inlassablement… il ne pouvait être totalement heureux, car le bonheur aurait été contre son principe fondamental.

Elle finit son café, maintenant froid. Elle venait de comprendre quelque chose. Sur elle-même. Et ce matin-là elle prit sa première décision : changer. Changer d'attitude pour mieux retrouver la petite fille rêveuse qui se cachait tout au fond d'elle-même, cesser de se perdre en lui et d'espérer constamment ces petits moments de joie qui faisaient tout le sel de leur relation. Elle n'en pouvait plus. 

(...)

Mais elle savait au fond qu'elle était incapable de partir en le laissant derrière elle. Elle ne pouvait supporter l'idée qu'une autre femme le regarde ou l'approche. Il était sien, et ça ne changerait jamais. 

Elle avait tellement changé déjà. Au cours de ces années alternant le bonheur et le désespoir le plus complet, elle s'était perdue en cours de route, avait laissé des bouts d'elle-même sur le bord du chemin, oubliant qui elle était. Son extravagance avait disparue, remplacée par une mélancolie qu'elle ne s'expliquait pas, sa joie de vivre ne faisait plus que des apparitions brèves et illusoires. Elle le savait depuis longtemps, mais avait préféré se cacher la vérité. Pour ne pas avoir à faire face à la plus terrible décision de sa vie : le perdre, ou se perdre ? Incapable de faire un choix, elle avait laissé la vie se charger de la question. Aujourd'hui il était temps de se reprendre. Parce que l'urgence de la situation lui apparaissait clairement. 

(...)

Montréal,
Le 21 mars 2004

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